La Ferrari Enzo : premiers commentaires et comparatifs. 

La présentation de la Ferrari Enzo a suscité un grand intérêt, car la marque italienne reste favorite dans les médias, même si une génération de conducteurs, avec le succès de Lamborghini et Pagani, se tourne vers d'autres fabricants de pointe.

Les tests publiés par la presse ont pour le moment tous eu lieu sur circuit (route parfaitement plate, pas de trafic), avec des appréciations favorables sur le comportement.  De plus, il s'agissait le plus souvent du circuit de Fiorano, chez Ferrari, avec des autos de l'usine et non de clients, sans certitude donc sur la version, finale ou non, standard ou "affûtée", des différents réglages.

Les performances, la vitesse de pointe notamment, n'ont pas été mesurées en conditions réelles. Le confort et l'habitabilité restent également à évaluer sur route et en ville, mais n'apparaissent pas comme les priorités : les vitres se relèvent manuellement, et la finition de l'habitacle, sobre (sauf les compteurs rouges), fait davantage penser à une voiture de circuit un peu civilisée qu'à une Grand Tourisme de luxe.

(Enzo: à gauche, manivelle de lève-vitre manuel. Au centre, pédalier, tapis de sol caoutchouc ; à droite, vide-poche sans couvercle.

Dans ce sens, la Zonda, avec son épaisse moquette, son cockpit lumineux revêtu de cuir et daim, sa climatisation automatique, son GPS, son toit transparent, reste un summum de volupté. De plus, une Zonda peut être aménagée entièrement sur mesure selon les désirs du client, ce qu'aucun autre constructeur ne sait offrir. Rappelons que la Pagani reste d'au moins 100 kg la plus légère du marché et la plus performante même sur piste..).

Ci dessous, habitacle de la Pagani : cuir cousu main, nubuck, alliage léger, moquette, GPS escamotable ; suspendue au siège, la housse porte-costume permettant d'arriver frais et élégant après la route.

 

En fait, Ferrari s'est employé à focaliser sur la puissance : avec 650 chevaux annonçés, le V12 se placerait légèrement au-delà de la Zonda qui atteint 600 chevaux en configuration "haute performance".

Cependant, ces 8 % de puissance en plus sont contrariés par un surpoids de 120 kg, la Enzo étant plus lourde de 10% par rapport à l'ultra-légère Zonda. Du reste, à 3.65 s pour le "0 à 100 km/h", les deux voitures feront jeu égal sur le plan accélération. Jeu égal aussi pour le 1000 m départ arrêté, soit un peu moins de 20 secondes.

Ferrari a opté pour une boîte de vitesse à programmes automatisés, un peu comme certaines berlines sportives équipées d'aides à la conduite nombreuses. Cette électronique va aider certains conducteurs, mais pour d 'autres, elle retire une bonne part du plaisir de "jouer" avec la merveilleuse mécanique d'une super-car. C'est un peu une opposition entre une conception "outil de transport rapide" et l'automobile comme loisir et plaisir de vivre.

Pour la structure, Ferrari a repris la solution choisie par Pagani : une coque centrale carbone prolongée par une structure en métal qui porte le moteur. Mais la coque intégralement en carbone reste l'exclusivité de Pagani, car le châssis de la Enzo utilise des panneaux d'alu. Ce n'est pas pour rien que Modena-Design, maison-mère de Pagani, est leader dans la conception et la réalisation de composites pour les meilleurs fabricants de voiture et motos de sport et compétition...De nombreux brevets garantissent l'exclusivité et l'avance technologique des procédés Modena-Design.

Pour le comportement, on sait que la rigidité torsionnelle du châssis joue un rôle essentiel. La Pagani affiche la plus haute valeur jamais atteinte : 26.500 Nm/degré (Lamborghini Murcielago: 20.000 Nm/degré) . Il reste à connaître celle de la Enzo.

Mais plus important encore, la comparaison du couple moteur donne spectaculairement l'avantage à la Zonda : la Enzo est donnée pour 657 Nm maxi à 5500 t/mn, alors que la Pagani atteint déjà cette valeur dès 2500 t/mn et jusqu'à 6000 t/mn ! De plus, le couple de la Zonda culmine à 750 Nm (!), loin devant la Enzo et la Murciélago, et celà au confortable régime de 4000 t/mn...

Record absolu.(pour mieux comprendre les notions de couple et de puissance, cliquez ici)

Rappelons que la puissance se calcule en multipliant le couple par le régime moteur. En conséquence, les moteurs à faible couple doivent être "poussés" à très haut régime pour disposer de leur puissance, ce qui rend la conduite malcommode en situation réelle (sauf sur circuit).

A l'opposé, les moteur disposant d'un fort couple à bas régime - la Zonda détenant le record - surclassent les autres, à puissance maximum égale...En effet, au moment de démarrer, et en reprise, le moteur tourne en général à régime faible ou modéré. A ce moment, les voitures à faible couple ont peu de puissance, celle-ci n'étant disponible qu'à très haut régime.

Pour qui a l'habitude de conduire des GT à hautes performances, disposer de cette capacité de puissance sur une plage de régime aussi large, et débutant quasiment au ralenti, est un véritable miracle mécanique qui propulse le conducteur dans le monde de "l'inertie zéro" évoqué par certains essayeurs à propos de la Pagani...(lire aussi les mesures d'accélération de Sport-Auto Allemagne dans la page presse).

Cet énorme avantage, due aux capacités du V12 Mercedes AMG tout alliage spécialement développé pour Pagani, et associé à un poids très réduit, offre à la Zonda une incroyable supériorité d'exploitation et de performance, ainsi qu'un plaisir et une facilité de pilotage tout simplement sans équivalent, surtout à bas régime.

C'est Horacio Pagani lui-même qui a établi cette caractéristique décisive du cahier des charges de la Zonda, un défi que les ingénieurs d'AMG-Mercedes ont relevé avec brio. On sait le lien historique qui unit Mercedes à Fangio quintuple champion du monde, l'inspirateur et ami d'Horacio Pagani..La légende continue !

Un test consistant à aligner les deux autos pour quelques tours de circuits aux mains de pilotes compétents sera un excellent moyen de départager la Zonda et la Enzo en performance gobale. La Zonda détient actuellement le record mondial sur un tour de circuit au Nurburgring et à Hockenheim...Qui dit mieux ?

Pour la ligne, Pininfarina a employé un designer Japonais dont le style suscite des avis partagés: la Enzo "fait moins Ferrari" que, disons, une Testarossa ou une Daytona. Le dessin du cockpit, traditionnel, rappelle certains modèles Ferrari classiques, tandis que le traitement de l'avant, reprend un "look" F1 déjà vu sur le futur cabriolet Mercedes.

Du reste, un intéressant article de la revue professionnelle Italienne "Auto & Design" (premier trimestre 2002) cite les termes de Luca di Montezemolo, dirigeant de Ferrari : "nous avons voulu rompre avec l'histoire". Et les photos de différentes maquettes d'études présentées par la revue professionnelle révèlent des lignes finalement plus homogènes et inspirées que celles de la voiture présentée. Ces études étaient d'un caractère plus fort et plus dans la tradition Ferrari, évoquant même les inoubliables prototypes et sport des années 60-70. Quelle amertume ce doit être pour les acheteurs de Enzo de voir ce qu'il sont manqué...

On note sur ce dernier modèle la fluidité du raccordement entre ailes arrière et cockpit et la prise d'air inférieure "à la Zonda". Quelle dommage de n'avoir pas retenu l'une de ces esquisses.

Pour le refroidissement, on a dû prévoir d'importantes entrées d'air latérales. Détail intéressant : les prises d'air inférieures situées sur les flancs sont proches dans leur forme de celles de la Zonda - cependant, sur celle-ci, les entrées d'air principales sont discrètes et dynamiquement intégrées à la ligne des ailes.

Dans la ligne générale, l'inspiration "Groupe C" (réminiscente des Sauber-Mercedes) de la Pagani est à la fois spectaculaire et homogène, d'un dessin mature. Le dessin final de la nouvelle Ferrari n'est pas aussi réussi que les prototypes d'études dont nous avons eu connaissance. Des concessions ont été faites.

La Enzo, une incontestable réussite mécanique, supérieure à la F50, ne fera sans doute pas d'ombre à la Pagani Zonda, adulée par ceux qui l'ont essayée et acquise, entrant d'emblée dans une autre planète. A côté de la fabrication méticuleuse de quelques dizaines de Zonda par an, les 400 Enzo prévues grâce aux capacités industrielles de Fiat feront figure de production de masse. Du reste, le chiffre a déjà été rectifié à 450 ou 500, et on se souvient que la F40, annoncée comme série très limitée, a été fabriquée à plus de 1300 exemplaires. Enfin, nous observons déjà un bon nombre de Enzo à la revente, ce qui n'est pas bon signe.

Il reste que certains se conformeront toujours à une certaine norme, voire à un certain conformisme, et suivront la majorité, tandis que des esprits plus exigeants font simplement et tout naturellement le choix qu'ils jugent le meilleur, en se fondant sur leur jugement, et sur la meilleure technologie disponible.

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