AUTODROME BULLETIN


 

 

AUTODROME-Bulletin N° 18 – Juin-Décembre 2010

 

La Lotus Europe : une saveur de prototype

 

L'Europe Type 46 : légèreté, audace technique, finesse aérodynamique, moteur central, proche des Prototypes de l'époque.

 

 

Sur le berceau de la Lotus Europa se sont penchés Colin Chapman, ingénieur et fondateur de Lotus, qui remporta 7 titres en Formule 1, et l’écossais Jim Clark, pilote prodige, Champion du Monde de F1 en 1963 et 65, et vainqueur à Indianapolis la même année, alors à l’apogée de sa fulgurante et trop brève carrière[1].

 

L’histoire de l’Europa prend naissance au début des années soixante, alors que les autos de course opéraient une révolution technique, le moteur central s’imposant très rapidement. Les vedettes des circuits s’appelaient Ferrari 250 P, Ford GT 40, Alpine Renault M63, Lola GT, Porsche 904 GTS… de quoi faire rêver les amateurs d’autos très sportives, car la règlementation imposait alors aux prototypes des caractéristiques les rendant assez facilement adaptables à un usage routier. Une époque merveilleuse...

  

 

 Lola GT (1963): son dessin, comme celui de la Lotus Europe, est dû à John Frayling.

C'est un des tout premiers prototypes de course à moteur central-arrière.

 

 

 A l’époque dans le milieu de la compétition et dans celui de l’auto sportive se croisaient les mêmes ingénieurs de premier ordre, devenus légendaires : Mauro Forghieri chez Ferrari, Colin Chapman, fondateur de Lotus, Mike Costin et Keith Duckworth (Cosworth)[2], Eric Broadley (Lola), Giulio Alfieri chez Maserati, Tadek Marek avec Aston Martin, Charles Deutsch pour DB et CD, et quelques autres un peu moins connus.

Jusque dans les années soixante il existait donc une remarquable proximité technique entre les prototypes de circuit et les GT de route, proximité souvent due à une nécessité économique. Bien des constructeurs utilisaient quasiment les mêmes blocs moteurs[3], voire les mêmes châssis pour des autos qui disputaient les 24 H du Mans ou les 1000 km de Monza, et pour les sportives qu’ils commercialisaient. L’Europa, comme d’autres Lotus, fut le fruit du travail de l’équipe de Chapman utilisant les enseignements de la course: on peut citer notamment Ian Jones, Ron Hickman, Peter Cambridge (design intérieur) et John Frayling (dessin de la carrosserie), ce dernier ayant débuté comme modeler – maquettiste - sur l’Elite[4]. Le châssis de l’Europe est proche de celui de l’Elan, avec un caisson central en acier, mais retourné à 180°, en raison de la position du moteur.

 

On retrouve dans l’Europa la même pureté de dessin d’une beauté fonctionnelle, que pour les précédentes Lotus de route ; elle présente sous certains angles une silhouette proche des prototypes de course des années 60. Ce n'est pas un hasard : la ligne de la Lola GT MK VI de 1963, dessinée comme la Lotus Europe par J. Frayling, a inspiré celle de la célébrissime Ford GT40...

 

La forme de l'Europa, très innovante pour une auto de route, est d’abord due bien sûr à sa structure à moteur central-arrière, mais aussi à une conception radicale : très basse, très légère, avec une position de conduite semi-allongée, comme sur les monoplaces, l’Europa sacrifie la visibilité arrière à un volume postérieur étudié pour l’aérodynamique avant tout, comme sur les voitures de compétition contemporaines à cabine fermée et à moteur central.

 

 

 

 

 

Lola GT MK6 (1963) et Lotus Europe (1966), toutes deux signées John Frayling

et Ford GT40 (1964), créée par le bureau de style Ford.

Trois berlinettes biplaces conçues à un âge d'Or...

 

 

Un témoin de l’époque, Ron Hickman[5] nous a indiqué que l’avant-projet de l’Europa – en fait une simple esquisse – aurait pu être reprise par Ford pour devenir son prototype de course destiné à vaincre Ferrari ! L’audace de Chapman aurait-elle pu changer le cours de l’histoire du Mans ? Remontons dans le temps…

 

Début 1963 :

Ford a décidé de renverser la suprématie de Ferrari sur les courses d’endurance. Après cinq victoires consécutives au Mans, le Commendatore règne alors sans partage sur les courses de prototypes. Henry Ford, pragmatique, tente d’abord de racheter la firme de Maranello ; sans succès. Il décide alors de construire sa propre voiture… en achetant un projet complet à l’un des petits constructeurs européens qui écument les circuits. Lola et Lotus sont sur les rangs[6], et aussi Cooper, mais ce dernier est en perte de vitesse. Lotus de son côté produisait des biplaces de course à moteur central qui remportaient de très nombreuses victoires, notamment la Type 19, dérivé du Type 18 de Formule 1, et dont un exemplaire fut équipé d’un Ford V8, puis les Type 23/23B - dont le dessin fut signé par John Frayling comme L'Europa...

 

 

Juin 1963 :

Ford a remarqué la Lola GT MK VI à moteur central Ford V8, créée par Eric Broadley patron de la toute jeune marque Lola. Elle s’est fait remarquer au Mans, occupant la 5ème place durant quelques temps, un exploit pour un petit constructeur né à peine cinq ans auparavant. La Lola utilise une coque centrale en aluminium – inspirée de la révolutionnaire Lotus XXV de Formule 1 de 1962, première « monocoque » de course.

 

Chez Ford, on considère qu’elle pourrait non seulement constituer la base d’une Sport-Prototype Ford capable de gagner au Mans, mais aussi donner facilement naissance à une Ford GT de route commercialisable, un projet que le constructeur américain a aussi en tête, au-delà de la compétition.  

Lotus, de son côté, a aussi ses chances, grâce à ses relations avec l’industriel américain, à qui il emprunte déjà des blocs moteurs pour l’Elan, qui rafle bien des succès en course, ce que Ford voit évidemment d’un bon œil. Par ailleurs, la Cortina Lotus, fruit de la collaboration entre Ford-Angleterre et Lotus, naît justement cette année-là ; sa carrière sera brillante, aux mains notamment de Jim Clark.

 

Ron Hickman, qui travaillait alors chez Lotus nous a confirmé que la possibilité d’obtenir le contrat Ford pour la conception d’un Prototype avait bel et bien existé : un croquis avait même été mis en évidence sur le mur de son bureau lors d’une visite de responsables Ford afin de laisser croire qu'un tel projet était déjà dans les cartons.  

Le reste de l’histoire est plus connu, car officiel : Ford obtint la collaboration d’Eric Broadley et racheta les deux ou trois Lola GT construites, qui servirent de « matrice » pour l’étude de la future Ford GT 40.

 

Hickman quitta Lotus avant que l’Europa soit finalisée, mais dix-huit mois plus tard, ce concept donnait naissance non pas à une Ford de course, mais (avec d’importants changements bien sûr) à l’Europa, première Lotus de route à moteur central…[7]. On peut penser que les deux doubles orifices du capot arrière sont un vestige de la présence, restée hypothétique, des huit trompettes d'admission d'un V8 Ford...

 

A cette époque, Chapman avait déjà créé l’Elite, la toute première GT à châssis-coque, audacieuse mais complexe à produire : il fallait inclure des inserts métalliques dans la résine pour l’ancrage des trains roulants. Elle illustre bien la philosophie Lotus : légèreté, finesse et originalité des solutions techniques orientées vers la performance[8]. L’Elite, produite de 1958 à 1963, est aujourd’hui rare et recherchée ; des exemplaires en état d’origine se négocient autour de 70.000 euros.

 

 

20 Décembre 1966 : Présentation de la Lotus type 46 Europe

 

 

L’Europa innova surtout à l’époque par la position de son moteur (Renault en alliage léger[9]), juste derrière les épaules du pilote, lequel est « assis sur la route» : c’est l’implantation des Lotus F1, double Championnes du Monde, avec un excellent centrage des masses, un centre de gravité très bas : c’est aussi la configuration des prototypes de course contemporains, Ferrari 250 P et LM, Ford GT40, Porsche 904 GTS. L’Europe est l’une des premières sportives de route à moteur central[10], et, compte tenu aussi du palmarès de Lotus en course, fait sensation lors de sa présentation en Décembre 1966.

 

 

 

Jim Clark, Champion du Monde de F1 en 1963 et 65 sur Lotus.

 

 

Sa structure originale, combinant une coque en fibre de verre et un châssis-poutre, apporte une rigidité supplémentaire, et des ancrages solides pour les trains roulants[11]. Son profilage étudié en soufflerie, est en avance sur l’époque pour une auto de route, avec une surface inférieure carénée, et un petit « becquet » arrière[12]. Les suspensions indépendantes utilisent des triangles superposés à l’avant, et à l'arrière une structure très légère mais efficace, typiquement Chapman : un bras inférieur associé au demi-arbre à cardan utilisé comme bras supérieur, avec combinés ressorts-amortisseurs télescopiques sur les 4 roues, et freins à disques à l’avant.

 

La mise au point a bénéficié de la science du pilotage de Jim Clark, le surdoué de l’équipe Lotus, dont le style de pilotage très coulé, à la fois fluide et précis, était nouveau à l’époque. Cette précision et cette finesse se retrouvent dans le comportement de l’Europe et dans la manière dont on la pilote.

 

Modèle révolutionnaire – un de plus dans l’histoire de Lotus – l’Europe possède donc une forte personnalité, Chapman ayant réussi, pour sa première GT à moteur central, à offrir pour un prix réduit une auto d’avant-garde, à l’exceptionnel comportement routier.

 

Elle offre des caractéristiques sans compromis : châssis non démontable, vitres fixes, comme en aéronautique[13], ni poignées ni garnitures de portes, essuie-glace unique, sièges fixes, visibilité ¾ arrière sacrifiée, ligne ultra-basse (1,08 m)… Parmi les autos de collection, elle est de celles qu’il serait aujourd’hui totalement impossible d’homologuer ! La vision du précurseur Chapman a pu s’exprimer dans cette sportive ultralégère – une S1 pèse 600 kg – profilée, performante, et évoquant, comme il est naturel pour une Lotus, les innombrables succès de la marque en course.

 

La version compétition, type 47, présentée une semaine après l'Europa (type 46), confirma immédiatement que la voiture était bien née : dès sa première sortie, l’Europa de course réalisa un doublé à Brands Hatch[14].

 

Lorsqu’on a la chance d’en conduire une, on comprend l’enthousiasme d’experts comme Gérard Crombac, rédacteur en chef de Sport-Auto : l’Europe offre des sensations très voisines de celles d’une monoplace de l’époque ; position de conduite, légèreté, équilibre et précision de la direction qui autorise des trajectoires parfaites, on savoure à bord chaque kilomètre comme s’il était sculpté par le ciseau d’un artiste.

 

 

 

Croquis du projet qui aurait pu, selon Ron Hickman, devenir la «Ford-Lotus GT». En haut, l’Europa S1.

 

 

 

L’Europa ne fut initialement disponible qu’hors du Royaume-Uni (et uniquement en volant à gauche), pour ne pas concurrencer l’Elan, modèle plus cher et fort profitable pour Lotus à l'époque. Elle évolua en Série 2 (type 54) avec châssis démontable, vitres ouvrantes, et clignotants avant proéminents, Federal [15] (type 65) et enfin Twin-Cam[16] et Special (type 74), produite jusqu’en 1975, sous des formes peu à peu modifiées, esthétiquement et du point de vue du confort et de la puissance.

 

Moins de 650 Europa de Série 1 ont été produites, dont seulement 298 de la toute première « version originale », à vitres non-ouvrantes d'une pièce et châssis intégré à la coque composite[17], un chiffre fort réduit si on le compare à la production des type 54 et suivantes fabriquées au total à environ 8000 exemplaires. Cette automobile demeure une part essentielle de l’héritage historique de Lotus, une des marques les plus titrées en compétition, et la seule, avec Mc Laren, à avoir remporté à la fois le titre Mondial de Formule 1, les 500 Miles d'Indianapolis, et plusieurs victoires de classe aux 24 heures du Mans.

 

 

 

[1] Jim Clark perdit la vie dans un accident sur le circuit de Hockenheim en Allemagne le 7 avril 1968. A cette date, il avait remporté plus de « pole positions », et plus de victoires en Grand Prix qui quiconque avant lui.

[2] Dans les années cinquante, Mike Costin travaillait le jour chez le fabricant d’avions De Havilland et la nuit chez Lotus. En 1956, il devint Directeur Technique chez Lotus. En 1958, il fonda Cosworth Engineering avec K. Duckworth, alors ingénieur transmissions chez Lotus. Costin continuera de travailler à temps partiel chez Lotus jusqu’en 62.

[3] Le plus célèbre est sans doute  le moteur Ferrari V12 de 3 litres, monté avec quelques variations, aussi bien sur les 250 P et les 250 Tour de France, que sur les 250 GT/E 2+2, les 250 GT « Lusso ». On peut aussi citer entre autres les 6 cylindres en ligne d’Aston Martin et de Jaguar, le flat-6 Porsche, tous utilisés aussi bien en course que sur des autos de route.

[4] Son dessin magnifique est attribué à Peter Kirwan-Taylor.

[5][5] Embauché par Colin Chapman en vue de superviser la mise en production de l’Elite, il contribua principalement à l’Elan et à l’Elan +2.

[6] Rappelons que dès 1960, Lotus produisait des biplaces de course à moteur central : le Type 19, dont un exemplaire fut équipé d’un Ford V8, puis les Type 23 et 23B, qui obtenaient de nombreuses victoires.

[7] Certaines de ces informations ont notamment été publiées par le Club «Lotus Ltd», à l’occasion du 30è anniversaire de la présentation de la Lotus Europe, et où s’exprimèrent notamment J. Frayling, R. Hickman,  G. Arnold, et P. Cambridge.

[8] Au 24 heures du Mans 1959, deux Lotus Elite – cylindrée 1200 cc. - finirent 8è et 10è au classement général.

[9] Version plus puissante de celui de la R16 : notamment carburateur, collecteur d’admission, arbre à cames et pistons spécifiques, taux de compression plus élevé, soupapes plus grandes, bielles et coussinets spéciaux.

[10] Les toutes premières GT de route à moteur central sont apparues peu avant: Lamborghini Miura, René Bonnet Djet (au Mans, puis en série), De Tomaso Vallalunga, notamment.

[11] La technique du châssis intégré dans la coque en fibre de verre fut abandonnée pour les séries suivantes de l’Europe, plus « civilisées », le châssis devenant séparable de la carrosserie.

[12] Sur une auto de route, le becquet destiné à améliorer la pénétration dans l’air ou l’adhérence est alors encore très rare.

[13] Le renouvellement de l’air de l’habitacle est assuré par un ventilateur soufflant dans le petit coffre à bagages avant, dont la surpression permet d’alimenter le cockpit en air frais à travers deux orifices.

[14] John Miles remporta l’épreuve, tandis que Jackie Oliver, arrivé deuxième fut déclassé car il avait été poussé au départ.

[15] Modèle conforme au règlement national (federal) américain, grâce notamment à un cylindrée du moteur gagnant 100 cc. pour passer les normes antipollution, et des feux avants plus hauts, entraînant un dessin différent des ailes avant.

[16] Avec le montage du moteur Lotus double-arbre.

[17] Les Europe dites Série 1A ou Sérié 1B ont été munies d’un étrange système « tout  ou rien » de vitres démontables qui se rangeaient dans la garniture de porte. La vitre démontable était carrée, complétée par un faux déflecteur fixe triangulaire.

 

 

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